Le corps de
siège .
Le corps de siège, confié au
Général Von Brug, commandant les Pionniers de la VI armée allemande,
comprenait :
- la 2ème brigade de réserve d'infanterie bavaroise (3ème
et 12ème Rgt),
- l' artillerie du
général Kreppel composée initialement
de :
-3 groupes de
mortiers de 210, chaque groupe à 2 batteries de 4 pièces soit :
24
mortiers
-3 groupes d'obusiers
de 150 à 4 batteries de 4 pièces soit 48 pièces.
-
un groupe d'artillerie de campagne à 3 batteries de 6
pièces ;
-
la batterie de canons
lourds de 305 Von Théobald et la batterie de 420 Solf.
-2
régiments de pionniers (le 19ème et le régiment
de Pionniers bavarois à 2 bataillons)
avec un équipage de siège doté d'outils, d'échelles d'assaut et de
d'explosif.
Diverses unités à savoir 1 détachement d'aérostiers,
l'escadrille de forteresse de Germersheim ; des télégraphistes, des sapeurs
du chemin de fer, etc..
L'artillerie fut répartie en deux groupements :
Au nord : celui du Lt-Colonel Mummenhoff avec 16
obusiers de 150 et 8 mortiers de 210 et
deux pièces
de 420
Au sud : celui du Lt-Colonel Gastmayer avec 16
obusieurs de 150, 16 mortiers de 210
et les deux pièces de 305.
La contre-offensive française du 25 Août 1914 conduisit le
commandement allemand à réduire progressivement le corps de siège, qui à la fin
ne comprenait plus que :
2 bataillons d'infanterie, les 2 régiments de pionniers, deux
groupes de 210, les pièces de 305 et de 420 et les unités diverses.
Déroulement du siège
Avant
la guerre les Allemands s'étaient
procurés les plans de
l'ouvrage et l'attaque avait
fait l'objet de nombreux "Kriegspiel"
auxquels avaient assisté
les responsables de l'attaque.
La décision avait été
prise dès le temps de
paix d'enlever le fort en 3
jours maximum.
22 Août, à 3 heures
Lunéville est occupée par le 21° Corps allemand et le repli français se
poursuit isolant de plus en plus le
fort .Dans le même temps, le général Von Brug prescrit de réaliser le plus tôt
possible l'encerclement de l'ouvrage. « Le 3
ème régiment de réserve bavarois progressera par le nord sur l'axe
Emberménil-Laneuveville-aux-Bois ; le 12 ème régiment par la
vallée de la Vezouze, tandis que l'artillerie reconnaîtra les positions de
batteries, leurs chemins d'accès et les observatoires ».Toutes les
troupes du corps de siège serrent alors vers l'avant en évitant de se voir par
les observateurs français.
23 Août, l'encerclement se
poursuit et toute circulation est interdite aux civils que le commandement allemand
fait rassembler dans les églises.. Une colonne du 97 ° R.I
allemand, se déplaçant de Croismare
vers Marainviller, est contrainte de se replier pour éviter les tirs du fort,
dont une patrouille réalise une coupure sur la voie ferrée près de la gare de
Laneuveville.
24 Août, l'encerclement se
resserre et des accrochages se produisent dans le village de Manonviller où le
sergent Beaumont est blessé ; 1 de ses hommes tué. Des cavaliers ennemis
qui s'étaient avancés près du fort se retirent après avoir perdus deux chevaux
tués.
L'aménagement des positions se
poursuit ; les lignes téléphoniques sont installées et les observatoires
camouflés, cependant les pièces de 305 ne pourront être prêtes que le 26 Août
Le groupe d'artillerie de
campagne, en position à l'est de la ligne Leintrey-Reillon-Blémery. couvre le
déploiement de l'artillerie dont les batteries lourdes sont rapprochées pour
être amenées de nuit sur leurs
positions..
Ces mouvements échappent aux
observateurs du fort mais gênent sérieusement le déplacements des troupes
engagées dans les combats de la Trouée de Charmes..Un groupe de 150 (1/13°RAP )
est remis à disposition de son corps d'armée d'origine.
Les incendies qui ravagent
Domèvre retardent le ravitaillement en munitions des groupes du lieutenant-colonel
Gastmayer. L'ouverture du feu prévu pour le 25 à 6 heures est par conséquent
repoussée à 10 heures 30 (heure allemande).
25 Août, La nuit a été
calme dans l'ouvrage complètement isolé. Depuis le
ballon captif
qui s'élève depuis 7 heures du matin, au dessus du château de Grand-Seille, on signale la
présence de silhouettes sur les parapets du fort . Les hommes semblent ne se
douter de rien. Leur attention paraît attirée par les rudes combats qui se
livrent plus au sud et qui contribueront à l'arrêt de l'avancée allemande.
A 09 heures 30, 68
bouches à feu (12 de 77, 32 de 150, 24
de 210) se déchaînent sans réglage dans un bruit d'enfer.
Dans l'ouvrage, où un officier
est blessé, chacun gagne son
poste de combat. La fumée et la
poussière provoquées par les éclatements gênent considérablement les observations et l'on doit
fréquemment dégager les fentes de visées obstruées par la terre.
A 11 heures, Des
dégâts sont signalés un peu partout. : la calotte de fonte de la tourelle
Mougin-Sud est arrachée., les deux pièces
de 155 sont inutilisables, un passage bétonné sous le fossé est crevé,
le poste optique est hors d'usage tout comme la boulangerie.
Un obus éclate sur l'abri à munitions des canons et la deuxième
tourelle Mougin est immobilisée par des blocs de béton ; elle ne sera
dégagée que durant la nuit suivante.
Par ailleurs, plusieurs
effondrements sont signalés dans la gaine circulaire, l'installation d'aération
est mise hors service et il n'y a plus de
liaison avec le fort de Pont-Saint-Vincent.
Le bombardement se poursuit à
cadence rapide. Les mortiers de 210 s'attaquent aux tourelles alors que les
obusiers de 150 s'en prennent aux parapets, réseaux de fil de fer, et cloches
d'observations. Pour empêcher les réparations les canons de 77 tirent des obus
fusants sur le fort.
A 13 heures 45,
malgré ce déluge d'acier l'artillerie du fort intervient contre les hauteurs de la région de Vého.
A 15 heures, depuis son quartier général de
Pont-Saint-Vincent, le général De Castelnau lance la contre-offensive française ponctuée par un énergique mot
d'ordre « En avant, partout et à fond !«
La situation devient rapidement
critique dans le camp allemand ; des unités refluent et une panique se
produit à l'arrière. Des convois se replient jusqu'à Château-Salin qui est mis
en état de défense. Pour faire face à la situation, le 3° R.I, le 1er bataillons du 12ème R.I. ainsi que deux groupes de 150 sont
prélevés sur le corps de siège pour être engagés dans la bataille.
Toutes les troupes font mouvement de nuit sans avoir pris de
repos. Les fantassins sont relevés au nord par le 19ème régiment de
pionniers et au sud par le régiment de pionniers bavarois. Au cours de la nuit,
l'artillerie continue le bombardement entrecoupé par des pauses. Des coups partent également du fort
contraignant une compagnie qui s'en était approché à se replier vers Vého.
Malgré une grande activité et
d'importants moyens mis à sa disposition la batterie de 420 du capitaine
Solf ne sera pas prête dans les délais
prévus. Par contre l'installation des pièces de 305 s'achève durant la nuit..
26 Août, Les pionniers
continuent à avancer et à resserrer
l'encerclement. Au petit jour, les pièces de 305, qui ont pour mission de
battre la partie sud du fort, ouvrent le feu.
« Au lever du jour, il y
avait encore beaucoup à faire, mais 1 canon au moins devait être prêt au cours
de la matinée, l'autre quelques heures plus tard. - Nous dûmes attendre fort
longtemps avant de recevoir notre objectif et l'ordre d'ouvrir le feu - Enfin le
1er
coup part .
A côté du fort s'élève une énorme colonne de
fumée noire. « Augmentez de 10, » Feu « Le 2ème coup
était en direction, le nuage de fumée émergea derrière la tourelle - On
raccourcit le distance - le nuage suivant masqua la tourelle - puis le feu se poursuivit régulièrement coup par
coup sur le fort. (Capitaine Solf)
A 9 heures 00, la tourelle
Mougin-Nord a sa calotte disloquée, près d'elle une tourelle de 57 est atteinte
et coincée. Une tourelle à éclipse de 155 tire quelques coups au jugé
Les fumées des explosions proches
pénètrent dans cette tourelle .et provoquent des intoxications.
Plus bas, un obus de gros calibre
touche le coffre du fossé de gorge. Le front de gorge pris en enfilade subit
lui aussi d'importants dégâts et la porte blindée du fort vole en éclats vraisemblablement sous l'effet d'un
210 ; le pont-levis est disloqué.
Après midi : Une
violente explosion secoue une casemate d'officier et la dernière tourelle de
155 est immobilisée.
Le général Von Brug envisage
d'ordonner l'assaut le 27 au lever du
jour Renseigné régulièrement, par les
observateurs du ballon captif sur les destructions de l'ouvrage, il donne
l'ordre aux pièces de 305 et de 420 de continuer le tir jusqu'à la tombée de la
nuit pour rendre la partie droite du fort »mûre » pour l'assaut.
Mais les tirs concentrés sur les
champs de mines et les réseaux de fil de fer se poursuivront de nuit à cadence
réduite. Ils seront entrecoupés de
pauses de feu pour permettre des reconnaissances, la destruction du réseau de
fil de fer et d'approcher le matériel
d'assaut. Les ordres pour l'assaut. sont
données par les commandants de secteur.
Au cours de la nuit les
reconnaissance furent accueillies par des tirs de boites à mitraille de la
tourelle de 57 commandée par le Maréchal des logis Perotte. A la suite de quoi
le commandement allemand estima que le
fort n'était pas encore « mûr »
et reporta l'assaut au 28 Août et à partir de 3 heures les mortiers exécutèrent un violent bombardement.
27 Août, au petit jour,
les Allemands déterminent la
position d'où partira l'assaut.
- 5 heures 00, le ballon avance et s'établit à 1200 nord-ouest de Chazelle.
- 7 heures 00, la VI ème armée
prescrit de mettre un groupe de 210 à la disposition du 2ème Corps
d'armée Bavarois, dont la situation au sud de Lunéville est critique. Le 11ème
groupe du 3ème RAP bavarois est désigné.
- 9 heures 00, le premier Conseil
de Défense est réunit dans le fort de Manonviller et constate qu'un sortie est
impossible.Dans le même temps les chefs de
corps réunis à Vého, autour du général Von Brug, examinent la situation
- 10 heurs 20, des ennuis
mécaniques obligent le 420 à
interrompre son tir et une des pièces reste immobilisée pendant. 1 heure ½ ,
l'autre durant 3 heures
Dans le fort la situation se
dégrade progressivement. Sans repos, ni sommeil et soumis à d'importants travaux de dégagements des
décombres, de transport des munitions, des intoxiqués, les hommes sont
harassés.
-
12 heures
00 ,un obus de 420 écrase une
casemate du front de tête et met plusieurs hommes hors de combat. L'ordre
d'évacuation est donné. Un autre coup
sur la contre escarpe, près du coffre double crève la gaine d'accès. Peu après la cloche de la mitrailleuse
Gattling est mise hors service; il ne
subsiste plus qu'une tourelle de 57 mais son champ de tir limité réduit ses possibilités.d'emploi.
-
13 heures
30, presque toute la garnison a reflué dans la caserne de gorge et 130 à 150
intoxiqués s'entassent à l'infirmerie.
Le
bombardement allemand se poursuit et occasionne de nouveaux dégâts ; deux
évacuations des trois des moteurs
diésels sont bouchés et une brèche se produit au dessus du magasin à munitions.
- 14 heures
00, une nouveau Conseil de Défense est réunit et après examen de la
situation il est décidé à l'unanimité
de hisser le drapeau blanc.
- 15 heures
30, le drapeau blanc
s'élève sur le fort de Manonviller ; les Allemands
quittent les positions toutes proches et le colonel Lehmann, commandant les
pionniers bavarois se porte à l'entrée du fort où il est reçu par le commandant . Durant ce temps la destruction des documents
classifiés, de l'armement, système de visée etc. s'opèrent dans le fort
afin qu'ils ne tombent pas entre
les mains de l'ennemi
L'ouvrage
ne sera évacué
que le lendemain par les hommes à qui les allemands rendent les honneurs
Alors
qu'on ne lui avait pas donné
plus de 2 à 3 heures
d'existence, le fort de Manonviller
avait tenu vaillammant durant
près de 52 heures
sous le pillonage
le plus intensif de ce début
de guerre,.
Le
12 Septembre les troupes allemandes
évacuent la région
Lunévilloise après
avoir détruit à
l'explosif les organes
importants de l'ouvrage,
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